Bonsoir à tous, ce soir je fais un petit journal de bord (JDB) car j'ai beaucoup discuté avec un ami aujourd'hui et il m'a dit une phrase qu'on me dit souvent : "Et ça doit pas être facile en plus avec ta maladie". Phrase anodine en soi, mais souvent on me demande comment je fais pour tenir, où l'on me dit que je suis "courageuse".. Et j'avoue ne pas trop aimer ce genre de propos, car je ne me trouve pas spécialement plus courageuse qu'une autre personne.
Donc j'ai voulu écrire ce petit article pour parler sans langue de bois avec vous, de ma vie (dans les grandes lignes) depuis plusieurs mois, et de ce qui me fait tenir et avancer jour après jour. Mais aussi parler du réel, du quotidien que les gens ne voient pas forcément (car il ne faut pas oublier que l'on ne montre que ce que l'on veut..).
Je commencerai donc pas un petit récapitulatif, je suis (enfin j'étais..) assistante de direction dans une petite boîte depuis près d'un an quand j'ai déclenché ma fibromyalgie sévère. A la suite de ma première opération, j'avais tenté de reprendre le travail en mode télétravail car je ne voulais pas rester sans rien faire. Je tiens à préciser que j'ai la chance d'avoir un patron ultra compréhensif, très présent et qui depuis le premier jour me soutient (oui c'est ultra rare et j'ai vraiment eu de la chance). Donc on a essayé le télétravail mais c'était très difficile, car même si j'étais chez moi et que donc j'économisais les douleurs provoqués par les transports, j'avais tout de même des horaires de bureau à respecter (bah oui je ne pouvais pas appeler les fournisseurs à 3h du mat' ils auraient moyennement appréciés..). Puis est arrivée la seconde opération et là, il ne fallait pas se voiler la face même en télétravail ce n'était plus possible pour moi.. Entre les douleurs, la fatigue, les insomnies, les pertes de mémoire, je n'étais plus efficace et apte à tenir mon poste qui demandait beaucoup de rigueur et surtout d'être à 100 à l'heure. J'ai donc été mise en arrêt le 17 octobre 2018 (étrangement cette date je ne l'oublie pas).
Et me voilà 9 mois plus tard, toujours en arrêt.
Les premières semaines ont été très difficile, non seulement aux niveaux des douleurs qui arrivaient avec de grandes intensités sans que je comprenne pourquoi mais aussi et surtout moralement car je n'avais plus de but, plus d'utilité.. Est arrivé le mouvement des gilets jaunes (il faut savoir que je suis comme dirait ma mère : "un robin des bois des temps modernes", je déteste l'injustice, j'ai toujours été à me battre pour aider les autres), donc j'ai très vite été touchée et concernée par ce mouvement social. Et il a été pour moi aussi il faut le dire, une échappatoire à ma maladie car je préférais me mettre à fond là-dedans pour ne plus penser (oui je sais c'est pas l'idée du siècle mais sur le coup ça m'avait pas semblé idiot et c'est dans ma nature de me mettre à 100% dans tout ce que j'entreprend).
Malheureusement, la réalité m'a vite rattrapé car j'avais bon vouloir faire un max de trucs je ne pouvais pas me déplacer (à l'époque juste le fait de marcher était douloureux, et je me déplaçais avec une canne), j'étais encore plus épuisée, enfin une horreur.. (la fameuse idée du siècle dont je parlais juste avant). Cependant durant cette période avec d'autres personnes nous avons créé une gazette citoyenne qui existe encore aujourd'hui et qui sort tout les vendredi sous le nom de la gazette du mouton libéré (nous ne sommes plus que deux de l'équipe initiale mais c'est pas grave ce sont les deux meilleurs ! oh quoi on peut s'envoyer des fleurs de temps en temps).
On en est donc au mois de février 2019, j'ai mal, je suis en colère, je commence à comprendre ma nouvelle colocataire Mme Fibro et je suis à un moment crucial de ma "nouvelle vie" : et maintenant je fais quoi ? Car je ne peux plus me le cacher, la maladie est là et ne compte pas s'en aller même si je l'ignore elle reste !
Je ne me rappelle plus de la date mais de l'heure (me demander pas pourquoi je décide pas de ce que je retiens..) il était 3h15 du matin j'étais dans le canapé en mode : Bon c'est bien beau tout ça, mais j'en ai marre j'ai insomnie sur insomnie, douleur sur douleur, je n'arrive toujours pas à faire des tâches de ménage quotidienne sans en avoir les larmes aux yeux, les médocs ça marchent pas, heureusement je ne suis pas seule j'ai mon entourage, mais est-ce que j'ai envie qu'ils subissent tout ça ? Et qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire ? Mon travail me manque mais y retourner je ne peux pas, j'ai pas envie de passer ma vie ici dans ce ****** de canapé...(enfin vous l'aurez compris un bon gros coup de remise en question et de blues).
Je me lève (à mon rythme soit celui d'une mamie de 90 ans), je me met devant mon pc et je regarde si y a pas de nouvelles vidéos des youtubeurs auxquels je suis abonnée.. Et là je tombe sur une vidéo qui s'appelle : "Je défie la classe politique". Je me renseigne sur le sujet, et avant même que l'information n'arrive à mon cerveau je clique sur : rejoignez-nous ! J'ignore pourquoi mais ça a été instinctif sur le moment : hors de question que je me laisse abattre.
Les jours passent, puis les semaines, je me renseigne de plus en plus sur la maladie, j'échange avec des centaines de personnes dans ma situation, j'apprend jour après jour comment Mme Fibro "fonctionne", je m'adapte, je prend sur moi, je repousse petit à petit mes limites, je teste pleins de choses différentes (aromathérapie, homéopathie, relaxation, différentes techniques de kiné..), je cherche une solution à chaque problème que je rencontre. Je me met à organiser un rassemblement pour le 12 mai afin de nous faire sortir de l'ombre, nous les malades invisibles, et j'en oublie l'inscription faite une nuit de février...
Jusqu'au jour où je reçois un email m'invitant sur un discord, j'y rencontre des personnes ayant elle aussi envie de changer les choses, mais surtout une écoute, une compréhension et un soutien incroyable (car j'ai pas tourné autour du pot mille ans j'ai tout de suite annoncé ma situation et mon handicap), et je finis par trouver ma place à leur coté.
Alors oui, j'ai mal, il n'y a pas un jour où Mme Fibro ne m'accompagne pas, et je ne le cache pas (donc si vous ne voulez pas le savoir faut pas me demander comment je vais aujourd'hui). J'essaie tout de même de ne pas trop l'afficher car je suis ainsi, et lors de grosses crises je me met en mode ermite (je suis très grognon quand j'ai des crises). Mais j'ai arrêté de faire de ma maladie un fardeau et j'essaie d'en faire une force. Oui ce n'est pas facile (bien évidement que ce n'est pas facile de faire quoique ce soit avec la fibromyalgie, c'est comme demander à un sourd si le silence n'est pas trop pesant..) mais pas après pas j'y arrive, je m'adapte à mon corps et non pas le contraire, j'avance à mon rythme.
Je ne me fais plus d'illusions, je ne pourrai plus avoir la vie que je menais avant, je ne pourrai probablement plus reprendre mon travail car j'ai besoin d'un quotidien qui s'adapte au jour le jour (et je ne me vois pas faire subir arrêt sur arrêt à mon patron, vous imaginez je vais travailler le lundi, le mardi je peux plus bouger je me met en arrêt je retourne le jeudi et hop c'est reparti pour une crise... puis parfois j'arriverai à l'heure mais parfois avec 3 ou 4h de retard tout dépendra de si mon corps daigne bouger ce matin là.. un calvaire.. ). Je vous ferai quelques JDB de temps à autres sur mes journées ou semaines pour décrire un peu plus le quotidien qu'on a quand on est fibro (après chacun ne réagit pas de la même manière et n'a pas les mêmes symptômes bien entendu). Pour vous donner un exemple très bête, ça fait 30 minutes que j'écris cet article et j'ai du changer 4 fois de positions car rester trop longtemps dans la même position me déclenche des douleurs au dos, et je sens que mon poignet droit ne va pas tarder à m'envoyer chier.. C'est ça le réel d'un malade de douleurs chroniques ! (le bonheur à l'état pur).
J'ignore de quoi sera fait demain. Y a des journées où je ne peux pas sortir de mon lit, chaque déplacement hors de chez moi que je fais je le paie dès le lendemain avec une crise (qui dure entre 24h et plusieurs jours), mais ce que je sais c'est que même si ce n'est pas la vie que j'avais choisie, c'est la mienne à présent et je veux essayer d'en tirer quelque chose de bénéfique, je peux tout tenter pour faire en sorte que ce silence autour de nos maladies soient rompus, je peux me battre chaque jour pour que les choses changent !
Donc quand on me demande comment je fais, je répond simplement : "Je regarde autour de moi et je vois la chance que j'ai malgré ma maladie, et la colère de voir que d'autres non pas cette chance et en souffrent me donne l'énergie de me battre". Je ne suis pas plus courageuse qu'une autre, juste plus chanceuse d'avoir du soutien, et d'être tombée sur les bons médecins et kiné.
Je finirai cet article sur une citation qui représente bien mon état d'esprit : " Mieux vaut mourir debout que de vivre toute une vie à genoux " (citation employée en 1910 par Emiliano Zapata, révolutionnaire mexicain).
Bonne soirée à tous ! Force et courage !
A très vite,
Arya Odn
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